Quelle est l’évolution de l’impact environnemental du numérique dans le temps ?
Dans le monde, en une seule minute, on comptabilise 70 000 heures de séries et de films regardés sur Netflix, 5 millions de vidéos visionnées sur YouTube, plus de 600 000 photos publiées sur Snapchat, sans compter les 4 milliards de recherches sur Google, 500 000 tweets et plus de 100 millions de spams ! (Tendre vers la sobriété numérique, Frédéric Bordage, 2019). Mais, comment en est-on arrivé là ?
Le numérique est une industrie devenue indispensable dans nos quotidiens tant sur le plan professionnel que dans la sphère privée. Depuis l’arrivée d’Internet dans les années 1980, nous pouvons communiquer par email avec quiconque sur la planète, visionner des vidéos en streaming, programmer le thermostat de son chauffage, réserver ses vacances en ligne, etc. À toute heure et depuis n’importe où. Pour comprendre l’impact environnemental du numérique dans le temps, commençons par en observer la progression fulgurante et les enjeux que les évolutions de notre monde désormais ultraconnecté représentent aujourd’hui.
Prodigieux réseau informatique mondial, Internet rend possible le transfert d’informations en quasi-instantanéité d’un endroit à l’autre de la planète entre individus, ainsi que la navigation sur le web et de multiples autres usages. Tout cela est rendu possible par un immense univers numérique, composé de serveurs, de terminaux utilisateurs et de réseaux de communication, qui est en pleine expansion.
Note : le numérique étant un champ d’étude très vaste, nous avons choisi d’observer les principales tendances récentes liées d’une part aux équipements, dont l’impact est le plus important, et d’autre part aux usages numériques.
L’évolution des équipements numériques
La croissance des équipements connectés
S’il est difficile d’estimer combien d’équipements composent Internet, les données existantes n’étant pas toujours accessibles par manque de traçabilité, d’activité ou de fin de vie, de variété de constructeurs, ou encore de secret industriel (parmi d’autres facteurs), certaines études proposent des estimations qui permettent de fournir des ordres de grandeur.
Selon Cisco, l’un des grands noms parmi les constructeurs d’équipements réseaux, on dénombrait en 2018 :
- 3,9 milliards d’humains connectés à Internet,
- 19,4 milliards d’appareils connectés à Internet, dont 33 % étant de l’Internet des objets (IoT).
Les projections de Crisco tablent sur une augmentation de 10 % annuelle des objets connectés pour atteindre près de 30 milliards en 2023 :
Croissance du nombre d’équipements connectés en milliards, © Cisco Annual Internet Report, 2018-2023
À noter que ces données tiennent uniquement compte des terminaux, sans comptabiliser les centres de données ou des équipements réseaux composant Internet.
Cette croissance s’accompagne d’un impact de plus en plus lourd sur l’environnement, car les équipements numériques sont autant de matières qu’il faut extraire, acheminer, transformer, assembler et distribuer pour assurer notre connexion numérique.
La part de l’impact environnemental du numérique la plus importante est celle de la fabrication, soit celle qui consomme le plus de ressources et émet le plus de gaz à effet de serre : par exemple, en France, 80 % de l’empreinte liée au numérique est due à la fabrication des appareils.
La généralisation du smartphone
Le smartphone est l’équipement numérique qui est le plus consulté au quotidien, un outil devenu incontournable dans nos vies. Selon les derniers chiffres publiés dans le Digital Report 2022 par We Are Social et Hootsuite, on dénombre 5,48 milliards d’utilisateurs de téléphones mobiles dans le monde, et 80 % d’entre eux sont équipés d’un smartphone.
Chaque année, les fabricants sortent de nouveaux modèles de smartphones sur le marché. Plus performants, plus perfectionnés, plus riches en fonctionnalités, ces outils sont aussi plus demandeurs en matières premières et en énergie, avec des écrans toujours plus grands et des pièces de moins en moins réparables. Cela incite les utilisateurs à changer régulièrement de smartphone. Or, les 3/4 de l’impact environnemental du smartphone sont dus à sa fabrication !
Extrait de l’infographie “Le smartphone, une relation compliquée” de l’ADEME
On comprend l’impact que ces tendances peuvent faire peser sur l’environnement, en raison de leur production, notamment du fait de l’extraction des métaux. Alors que dans les années 1990, les GSM comportaient une trentaine de métaux, ils en contiennent aujourd’hui plus de 50 différents, dont des métaux précieux comme l’or et l’argent et des métaux rares spéciaux comme le tantale. Le problème, c’est que seuls 20 peuvent être recyclés actuellement (source : ADEME).
Le développement des réseaux – 4G, et bientôt 5G
Déployé dans les années 2010, le réseau mobile de 4e génération (4G) augmente significativement le débit disponible pour l’utilisateur final, ce qui ouvre la voie au développement d’usages multimédias et généralise les usages nomades connectés. On peut visionner une vidéo HD en streaming, se servir d’un terminal mobile comme point d’accès, utiliser le cloud en itinérance, etc.
Chacune des nouvelles générations de réseaux mobiles s’accompagne d’une augmentation des usages nomades avec un accès aux contenus permanent, toujours plus fluide et rapide. L’impact environnemental du numérique s’en trouve intensifié, car les terminaux devenant plus puissants doivent être renouvelés, et les services proposés sont toujours plus gourmands en octets à terminal équivalent (source : The Shift Project).
Ainsi, selon Frédéric Bordage, expert en GreenIT et en sobriété numérique, le réseau 4G génère un impact environnemental environ 20 fois supérieur à celui d’un réseau filaire (type ADSL) ou fibre équipé de Wi-Fi. Or, la consommation des réseaux mobiles est en très forte hausse par rapport aux réseaux fixes et, en dépit d’une efficacité énergétique qui s’améliore au fil des générations de réseaux, la consommation totale des usages numériques progresse de façon continue depuis plusieurs dizaines d’années (source : The Shift Project).
En ce qui concerne le déploiement de la 5G, qui suscite de vifs débats, le débit serait considérablement augmenté. Mais cette avancée technologique ne serait pas neutre en matière d’impact : le Haut conseil pour le climat affirme dans un rapport que la 5G pourrait entraîner une hausse entre 18 % et 45 % de l’impact carbone du numérique en 10 ans et atteindrait entre 2,7 millions et 6,7 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici à 2030 (source Public Sénat). En effet, cela engendrerait l’obsolescence et donc la mise au rebut de dizaine de millions d’appareils en parfait état de marche et l’acquisition de nouveaux, dont la fabrication et l’importation sont fortement polluantes, des changements de fonctionnement des réseaux et des centres de données et une augmentation de la production d’électricité.
L’évolution des usages numériques
L’essor de l’internet des objets (IoT)
Une tendance très marquée est l’explosion du nombre d’objets connectés à internet et de l’informatique embarquée, avec l’apparition de nouveaux terminaux (enceintes Bluetooth portables, montres et bracelets mesurant l’activité physique…) et des équipements dans les foyers qui deviennent communicants (robots ménagers, télévisions, systèmes de surveillance, d’éclairage, de thermostat, etc.).
Suivant une courbe exponentielle, le nombre d’équipements numériquement connectés pourrait doubler entre 2020 et 2030 (source : Note d’analyse, The Shift Project mars 2021).
Équipements numériques dans un foyer de 4 personnes dans un pays de l’OCDE
(Source : Note d’analyse du Shift Project, d’après les données de GSMA, 2015).
Cette démultiplication d’équipements connectés du quotidien se produit en majeure partie dans les pays développés. Alors que toutes les régions du monde connaissent une hausse de leur taux d’équipement, celle attendue dans les pays développés déjà suréquipés sera bien plus forte à celle des pays en développement.
Digital equipment in a four-person household in an OECD country (Source: Shift Project Analytical Note, based on GSMA data, 2015).
L’explosion du trafic de données
La data (la donnée) a commencé à entrer dans nos quotidiens dans les années 1990 avec l’apparition du World Wide Web. À une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore, les messageries en ligne, les forums et les sites internet qui composaient la toile étaient légers et peu consommateurs de ressources.
En 20 ans, la croissance du trafic de données a été fulgurante et les chiffres sont vertigineux. En 1992, il ne représentait que 100 GB par jour. Dix ans plus tard, il s’est intensifié au point d’atteindre 100 GB par seconde ! Et les accélérations continuent, comme le montre l’évolution de la datasphère (d’après les données de Cisco Visual Forecast Index) :
- 1992 : 100 GB/jour, soit moins que la capacité du disque dur d’un ordinateur actuel ;
- 1997 : 2 400 GB/jour ;
- 2002 : 8,6 millions GB/jour ;
- 2007 : 172 millions GB/jour, soit presque multipliée par 10 en 5 ans ;
- 2017 : 4 milliards de GB/jour. Le smartphone, les réseaux sociaux, le cloud et le streaming vidéo ont fait exploser le volume de données consommées ;
- 2022 : 13,02 milliards de GB/jour. Sachant qu’on pourrait stocker 11 millions de films en HD sur un disque d’un exabyte (un EB = un milliard de GB), cela correspond à la capacité de stockage de 143 220 000 films en HD (source : IONOS).
Vous pouvez visualiser cette évolution impressionnante en datavisualisation 3D intitulée L’ère des données : le trafic internet par jour par Sophie Stenger sur Sketchfab.
Le boom du streaming vidéo
L’un des principaux responsables de cette consommation de données ? Le streaming vidéo. Depuis 2010, la vidéo règne sur les usages : elle se regarde depuis n’importe où et à tout moment grâce au smartphone. Le streaming vidéo a transformé la datasphère et a fait exploser les volumes de données partagées dans le monde. Selon les prévisions de Cisco, la vidéo devait représenter 240 exabytes (EB)/mois en 2022. Ce leader pourrait être détrôné dans les prochaines années par le cloud gaming, c’est-à-dire le jeu vidéo en streaming.
Ce sont des plateformes de streaming vidéo comme Netflix et YouTube qui marquent cette surreprésentation du contenu audiovisuel, aux côtés desquelles sont apparus de nouveaux acteurs (Amazon Vidéo, Disney, Universal, et des chaînes de télévision notamment), une diversification qui a commencé en Amérique du Nord.
Entre 2013 et 2019, les plateformes web les plus populaires en Amérique du Nord, classées, relativement entre elles, selon leur part dans le trafic internet :
Modérer l’impact environnemental du numérique en optant pour la sobriété numérique
La consommation énergétique du numérique a augmenté de 9 % environ par an de 2015 à 2020 (The Shift Project), une tendance qui continue de se renforcer avec l’évolution de nos usages numériques.
Face à ce constat, on comprend donc que le concept de sobriété numérique, qui a émergé ces dernières années, est primordial pour alléger les l’impact environnemental du numérique dans le temps. Le principe fondamental : l’utiliser plus modérément et adapter ses usages en évitant notamment de créer et de consommer de la donnée inutilement.
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